Riviére Rouge Excerpt

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PROLOGUE

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Wesley Stone tendit le bras vers le bouton de volume sur le pare-brise fissuré et le tourna vers la droite. Peut-être que si la musique était assez forte, il n’entendrait plus la voix dans son esprit.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Du temps pour quoi ? Il n’y avait aucun autre Alpha dans la meute du Ciel Mauve. Tout le monde savait que Wesley finirait par la diriger. Mais qu’est-ce qu’ils attendaient donc ?

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Malheureusement, la voix dans sa tête était plus forte que toutes les chansons rock au monde. Il tourna à nouveau le bouton. Il admettait que vingt-trois ans était jeune pour devenir Alpha de meute mais ce n’était pas trop jeune. Et son oncle Paul avait déjà soixante ans, il avait depuis longtemps dépassé l’âge auquel les Alphas passent généralement le flambeau. Il était temps pour lui de léguer sa place de leader à Wesley.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Il augmenta le volume et regretta, encore une fois, que sa vieille Civic n’ait pas un meilleur système sonore. Wesley avait passé trois heures par jour dans cette voiture ces quatre dernières années, allant et venant de l’université la plus proche. Décrocher un diplôme était une idée de son oncle. Il avait dit que cela donnerait plus de crédibilité à Wesley mais très peu de gens dans leur petite meute faisaient des études. Personne n’était donc impressionné par le dur labeur de Wesley et ses nouvelles connaissances en ingénierie de l’environnement.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Des souvenirs de ces longues journées s’accumulèrent : il se levait à l’aube, quittait sa meute et la forêt en voiture pour se rendre dans une jungle de béton, assistait à des cours dans des bâtiments immenses, s’isolait dans la bibliothèque à l’odeur de moisi, puis rentrait à la maison et s’écroulait sur son lit, complètement épuisé, avant de remettre ça le lendemain. Tout ça pour quoi ? Ces heures passées à l’écart des siens n’avaient fait que creuser le fossé entre lui et les shifters qu’il était censé diriger.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Une fois que Wesley deviendrait réellement leur Alpha, ils s’apercevraient indéniablement de sa force, de son dévouement, de ses capacités de chef et ils se rendraient compte que la marque sur sa peau n’avait pas d’importance. Alors peut-être, la meute le respecterait.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Bien sûr, avant que Wesley puisse devenir Alpha, il fallait que son oncle démissionne. Avec son mètre quatre-vingt cinq et ses quatre-vingt quatre kilos de muscles, Wesley avait l’avantage d’être plus grand et plus jeune que son oncle. Si ce dernier refusait de lui passer les rênes, Wesley pourrait le défier en duel et il gagnerait certainement. Mais à quel prix ?

Son oncle, bien que moins puissant que dans sa jeunesse, était un bon Alpha et il avait toujours bien traité Wesley. Sa mère serait scandalisée s’il s’opposait à son frère adoré et comme la meute se méfiait déjà de lui, il n’allait sûrement pas se les mettre dans la poche en prenant le pouvoir de force. Gagner un duel contre son oncle lui ferait gagner sa place d’Alpha mais il perdrait en contrepartie le respect de toutes les personnes qui comptaient pour lui, ainsi que son respect envers lui-même. Aucune option, aucune solution. Il était coincé et allait devoir se

contenter d’attendre.

  • Tu as seulement vingt-trois ans. Laisse-toi du temps.

Le bouton de volume qu’il venait de tourner une fois de plus se détacha brusquement de la radio.

  • Bordel ! cria Wesley dans le véhicule vide.

Comme le son était déjà à fond, il ne s’entendit pas crier mais il sentit la douleur dans sa gorge. Dans tout son corps, à vrai dire. Son cœur se mit à tambouriner, ses poumons s’essouflèrent et ses muscles se contractèrent si fort qu’il eut l’impression qu’ils allaient éclater. Il lui fallait trouver un moyen de relâcher toute cette tension et frustration et ce fut lorsqu’il jeta un regard à travers le pare-brise, vers la rue qu’il venait de traverser à l’aveuglette dans une tentative de se sortir de la tête la conversation exaspérante qu’il avait eue avec son oncle, qu’il trouva la solution parfaite : un bar d’humains.

La plupart des shifters avaient des compagnons prédestinés mais les loups Alphas devaient se concentrer sur leur meute et non sur un partenaire, c’est pourquoi, au lieu de se mettre en couple avec un autre loup, ils dédiaient leur énergie à la meute et assouvissaient leurs besoins charnels avec des shifters qui n’avaient pas encore trouvé leur moitié.

Wesley n’était pas idiot – il savait qu’il était attirant et les regards admiratifs ainsi que les tentatives de drague de la part d’humains à la fac le lui avaient confirmé. Cependant, il n’avait jamais répondu à leurs avances, car il avait dévoué tout son temps libre et toute son énergie à socialiser avec les membres de sa meute. Malheureusement, les shifters qui auraient dû se pâmer devant lui et se démener pour avoir l’attention d’un Alpha l’évitaient comme la peste à cause de la cicatrice qu’il portait depuis sa naissance.

Wesley tourna brusquement le volant et dérapa pour entrer dans le parking. Il ne désirait qu’une chose, là tout de suite : oublier les loups qui faisaient tout pour l’exclure.

Sa cicatrice avait beau être large (le morceau de peau à la texture étrange qui divisait son ventre commençait sous son nombril et se terminait juste au-dessus de son pubis) elle ne l’empêchait pas de se transformer plus rapidement, de courir plus vite ou d’être plus fort que d’autres. Lorsqu’il était petit et qu’il se bagarrait avec ses semblables, il gagnait toujours, prouvant à tous que sa force ne dépendait pas de l’anomalie insignifiante sur son épiderme. Mais les shifters étaient des animaux tout autant que des humains et les animaux perçoivent les défauts comme des faiblesses. À leurs yeux, sa cicatrice n’était pas tolérable.

Toutefois, dans un bar rempli d’humains complètement saouls, rien n’aurait moins d’importance. Les gens remarqueraient sa force et apprécieraient son apparence. Ils voudraient même le voir nu. Et là tout de suite, Wesley avait désespérément besoin qu’on lui rappelle qu’il était un Alpha, censé être vénéré en tant que tel et non rejeté. Tant pis si l’attention qu’il recevrait provenait d’humains qui n’avaient aucune idée de sa vraie identité et qui ignoraient totalement l’existence des shifters.

 

Comme Wesley avait décidé de se concentrer sur sa meute et ses études plutôt que de socialiser avec d’autres humains, il n’avait pas eu l’occasion d’en apprendre plus sur leurs lieux de beuverie – il n’avait donc pas remarqué que certains d’entre eux, comme celui où il se trouvait, étaient réservés à une clientèle masculine. Ou plutôt, aux hommes qui appréciaient la compagnie d’autres hommes.

Il venait de passer une demi-heure à s’enfiler une bière après l’autre pour tenter de se calmer lorsqu’il se rendit compte de l’absence de femmes. Puis, il remarqua la manière dont certains hommes interagissaient avec d’autres.

Sa réaction instinctive fut de se lever et de partir avant que quiconque le voie et ajoute sa présence dans un bar gay à la liste des différences qui le rendaient indigne de son rôle d’Alpha. Mais il se rappela qu’il était loin des terres de la meute du Ciel Mauve, dans un bar d’humains, où personne ne le reconnaîtrait. Il se rassit donc sur son tabouret, se commanda une nouvelle boisson et réfléchit à ses options.

Comme il avait passé la majeure partie de son temps à l’écart de son clan et que les membres de ce dernier s’appliquaient à l’éviter, Wesley n’avait pas le niveau d’expérience sexuelle qu’on attribuait généralement aux loups Alphas, et les quelques conquêtes qu’il avait eues étaient toutes des femmes. En réalité, il trouvait les mâles dans sa meute aussi séduisants que les femelles, mais il n’avait jamais fait d’avances à un homme car il n’avait jamais eu l’impression que son attirance puisse être mutuelle. De toute façon, même si ça avait été le cas, il aurait eu trop peur d’agir en fonction, étant donné que certaines personnes n’approuvaient pas ce genre de tendances.

Mais aucun de ces humains ne le connaissait et vu l’endroit où ils avaient décidé de passer leur soirée, personne ne le jugerait s’il choisissait la compagnie d’un homme. Il était déjà prêt à déroger à la règle et à coucher avec un non-shifter, pourquoi ne pas en profiter pour tenter quelque chose d’inédit, qu’il ne referait sans doute plus jamais : coucher avec un autre homme. Sa décision prise, Wesley agrippa sa pinte et la porta à ses lèvres tout en se tournant pour observer son environnement.

Le bar n’était ni très grand, ni très peuplé. Il eut donc vite fait le tour des humains disponibles. Malheureusement, il était le seul à ne pas être accompagné. Il n’y avait donc aucun homme facilement approchable. Il exclut immédiatement les clients assis à deux qui se touchaient mutuellement. Même si les loups Alphas se mettaient rarement en couple, ils savaient qu’il était important pour les membres de la meute de trouver leur moitié et par conséquent, ne faisaient pas d’avances aux loups en couple. Les humains n’avaient pas le même genre de lien mais Wesley ne voyait aucune raison de s’intéresser à un homme déjà casé. Il se concentra donc sur les groupes plus larges et tenta de déterminer qui était disponible. Ce fut plus difficile qu’il ne l’imaginait, car contrairement aux humains qu’il côtoyait à l’université, les hommes présents dans ce bar étaient aussi tactiles que des louveteaux, peut-être à cause de l’alcool qu’ils avaient consommé.

Après avoir scanné la salle plusieurs fois, il remarqua qu’un petit blond l’observait. Lorsque Wesley porta le regard sur lui, les lèvres de l’homme esquissèrent un sourire timide. Wesley le détailla des pieds à la tête, mettant à profit ses sens d’Alpha étant donné la lumière tamisée et la distance entre eux. L’humain était soigné, attirant et à en juger par la manière dont il fixait Wesley, clairement intéressé. Ses critères de recherche étant comblés, Wesley se leva de son tabouret avec l’intention de rejoindre l’homme pour mettre son plan en action et oublier ses frustrations – le temps d’une nuit.

Mais avant même qu’il ne fasse un pas vers sa cible, quelque chose, ou plutôt quelqu’un, attira son attention dans sa vision périphérique. Tournant la tête sur le côté, Wesley plissa les yeux et observa la grande porte en métal à l’avant du bar afin de jauger le nouvel arrivant.

Il avait à peu près la même taille que Wesley. Ses cheveux étaient teints en vert criard et coiffés en l’air, à des angles bizarres. Quelque chose scintillait sur son sourcil droit – un piercing – et il portait un pantalon rouge. L’apparence entière de l’homme aurait dû le

repousser ; il avait toujours préféré des partenaires sexuels plus petits et doux, peut-être à cause de sa nature d’Alpha. Et pourtant… (était-ce dû à l’alcool ?) malgré la taille et le style bigarré du nouvel arrivant, Wesley n’arriva pas à détacher ses pupilles de lui.

En quelques secondes, le regard de l’homme rencontra le sien et ses yeux s’écarquillèrent, d’abord de surprise, puis d’excitation. Sans hésitation, il marcha vers Wesley, ignorant tout et tout le monde dans la salle. Ce désir apparent était tout à fait ce dont Wesley avait besoin afin d’apaiser le sentiment d’exclusion que sa meute avait généré en lui et il oublia rapidement le blond de l’autre côté du bar. L’idée de passer du temps avec cet homme intriguant fit battre son cœur à tout rompre.

  • Salut, dit-il dès qu’il fut à proximité de Wesley.

Malgré son apparence originale, l’homme devant lui correspondait presque entièrement à ce qu’il recherchait. Presque, car il ne possédait pas cette senteur sauvage, chaleureuse et rassurante propres aux shifters. Mais aucune odeur dans ce bar ne lui était familière – alcool, sueur, cigarette froide et musc – Wesley s’était donc déjà résigné à ignorer son sens olfactif pour la soirée.

  • Bonsoir.

Habitué à socialiser uniquement avec des shifters qu’il avait côtoyés toute sa vie, Wesley réfléchit à ce qu’il pourrait dire à une potentielle conquête humaine. Il pourrait tenter une phrase de drague mais les seules qui lui vinrent à l’esprit provenaient de films nunuches et il n’allait sûrement pas demander à cet inconnu s’il « venait souvent ici ».

  • Waouh, dit l’homme d’un ton appréciateur. (Ses yeux surlignés de kohl se promenèrent du visage de Wesley jusqu’à ses pieds, puis en sens inverse.) Tu es encore plus canon que dans mes fantasmes.

Rassuré de savoir qu’ils se trouvaient dans ce bar pour la même raison et qu’il n’aurait pas à jouer de jeux ou attendre pour aller au but, Wesley se détendit légèrement. Il parvint même à lâcher un petit rire.

  • Mes fantasmes à moi impliquent beaucoup moins de vêtements… (Il plaqua une main contre le torse de l’humain et caressa du pouce son téton qu’il pouvait sentir sous son T-shirt.) Tu veux qu’on sorte pour que je te montre ce qu’ils impliquent d’autre ?
  • Bien sûr.

Un éclair d’hésitation passa sur le visage de l’humain et il se reprit :

  • Tu veux qu’on aille… boire un thé et discuter ?

Oh, non. Faire la conversation était une mauvaise idée. Les soucis concernant son rôle au sein de la meute avaient épuisé Wesley et il avait peur de gaffer et de dire quelque chose qui risquerait d’éveiller les soupçons de l’humain. De surcroît, il n’était pas venu dans ce bar pour se faire des amis. Il était venu pour baiser, sans s’inquiéter de ce que la personne avec qui il passerait la nuit penserait de la cicatrice sur son ventre ou de ce qu’elle représentait par rapport à ses capacités de leader. Il avait repéré le désir et l’intérêt de l’homme aux cheveux verts dès qu’il avait posé les yeux sur lui et il n’allait pas leur donner l’occasion de faiblir.

  • À vrai dire, non. (Il fit glisser ses doigts vers la nuque de l’homme, l’enveloppa doucement de sa main et l’attira vers la sortie.) On ferait mieux d’aller dans un endroit privé.

L’homme déglutit bruyamment et hocha légèrement la tête.

  • Ok. Tu habites près d’ici ?

Ils sortirent du bar et retrouvèrent la fraîcheur de la nuit. Wesley secoua la tête, puis une sensation de vertige l’assaillit soudainement. Il cligna des yeux pour s’en débarrasser.

  • Non, dit-il en pointant un doigt vers sa voiture, dont la plaque d’immatriculation indiquait un état différent de celui où ils se trouvaient. Je voulais dire qu’on devrait aller chez toi.

L’homme garda le silence pendant plusieurs longues secondes, les sourcils froncés et le regard examinant le visage de Wesley.

  • Je ne suis pas du coin, moi non plus, déclara-t-il enfin. Mais je peux nous réserver une chambre d’hôtel et…
  • C’est parfait, le coupa Wesley en le prenant par le coude et en le dirigeant vers un hôtel au bout de la rue. Une nuit dans un hôtel, c’est exactement ce à quoi je pensais.

 

Incapable de se débarrasser complètement de son inquiétude à l’idée que quelqu’un le voie et juge son choix de passer la soirée avec un mâle et un humain qui plus est, Wesley resta en retrait pendant que son nouvel ami leur réservait une chambre. Le silence se poursuivit tandis qu’ils montaient les marches menant à un couloir mal éclairé. Un frisson glissa le long de la colonne vertébrale de Wesley et une sensation de malaise l’enveloppa, comme s’il avait négligé un détail. Comme il n’arrivait pas à identifier le moindre problème, excepté son choix de partenaire pour la soirée, Wesley se rappela que même un Alpha méritait de passer une nuit à se concentrer sur ses propres besoins plutôt que ceux de sa meute. Et là tout de suite, Wesley n’était pas certain de pouvoir se comporter comme il se devait avec les siens, à moins que quelqu’un le touche et le

regarde avec désir plutôt qu’avec appréhension.

  • Hé… t’as pas l’air dans ton assiette. Tout va bien se passer.

Les paroles prononcées d’une voix douce ramenèrent Wesley à la réalité. Cela devait faire un moment qu’il était perdu dans ses pensées car ils se trouvaient désormais à l’intérieur de la chambre d’hôtel et la porte venait de se refermer derrière eux.

  • Je suis en pleine forme, répondit-il par réflexe.
  • En effet… rétorqua l’autre en le détaillant à nouveau des pieds à la tête.

Ils n’avaient pas allumé la lumière, il y avait donc peu de chances pour que l’humain puisse réellement le voir mais sa remarque raviva le désir de Wesley.

  • Content que tu sois d’accord.
  • J’ai trop envie de t’embrasser, murmura-t-il avant de prendre le visage de Wesley entre ses mains et de l’embrasser avec douceur.

Le geste n’avait rien d’agressif mais Wesley, qui avait l’habitude de prendre les initiatives, fut pris au dépourvu. Son instinct le poussa à attraper les poignets de l’homme tandis que son désir l’encourageait à ouvrir la bouche et accepter le baiser. Le parfum de l’homme était plus intense qu’escompté, plus viril. Son excitation grimpa d’un cran et son esprit se brouilla.

Visiblement dans la même situation, son partenaire gémit. Tout en continuant à s’embrasser langoureusement, ils avancèrent dans la pièce, trouvèrent le lit à l’aveuglette et s’écroulèrent sur le matelas. Wesley surpassa sa volonté d’affirmer son pouvoir et ils roulèrent d’un bout du lit à l’autre, leurs corps ondulant ensemble. Il savoura la sensation des muscles durs contre sa peau, différente de celle des courbes douces d’une femme, ainsi que l’érection de l’homme qui appuyait contre sa cuisse. Rien ne lui avait jamais paru plus juste, plus nécessaire, et Wesley se demanda comment il avait pu vivre sans.

Tandis qu’ils bougeaient au même rythme, les mains de l’humain glissèrent de ses joues à ses tempes et s’enfoncèrent dans les boucles de Wesley, l’attirant plus près. Wesley s’agrippa au corps musclé contre lui et balança les hanches en avant afin d’assouvir son besoin de friction.

Étourdi par le manque d’oxygène et l’afflux d’hormones, il atterrit sur son dos sans se rendre compte comment, plaqué sous le corps étonnamment puissant de l’homme. Il écarta les jambes par réflexe, accordant plus de place à l’humain.

— Tellement bon, murmura ce dernier en frôlant la mâchoire de Wesley du bout des lèvres.

Il donna un coup de langue sur le lobe de son oreille et roula des hanches, pressant son érection contre les testicules et le membre de Wesley.

Désirant intensifier cette sensation, Wesley releva le bassin et se retrouva soudainement avec une queue bien dure frottant contre ses fesses. Même si les couches de vêtements qui les séparaient empêchaient tout réel contact, Wesley sentait la friction contre les parties les plus sensibles de son anatomie et son anus se contracta en réponse.

Wesley n’avait aucune intention de jouer le rôle passif, pour ce coup d’un soir. Malgré l’envie apparente de son corps de se laisser aller à tenter l’expérience, il était sur le point de prendre le contrôle de la situation et de continuer l’acte en reprenant le rôle dont il avait l’habitude. Sauf que les mains brûlantes de l’autre soulevèrent son T-shirt et touchèrent son ventre balafré et imparfait et Wesley s’empressa de se tourner sur le ventre afin de dissimuler la cause de son embarras.

Interprétant ce changement de position comme une requête, l’humain ondula des hanches contre les fesses de Wesley et demanda :

  • Tu veux que je te baise ?

Même si cette position lui permettait de cacher sa cicatrice, Wesley aurait pu trouver d’autres moyens de la dérober à sa vue, ou simplement le laisser la voir. Un humain trouverait peut-être sa malformation légèrement repoussante mais au moins, il ne verrait aucun lien entre son corps imparfait et ses capacités de chef.

  • Oui.

La réponse de Wesley le surprit lui-même mais à vrai dire, il s’était tourné sur le ventre pour dissimuler sa cicatrice, mais pas seulement. La raison principale était son désir incontrôlable de savoir ce que ça ferait de sentir l’érection de l’homme contre sa peau nue et même à l’intérieur de son corps.

Cette nuit à l’écart de sa meute était non seulement une opportunité en or mais en plus, extrêmement rare, et Wesley ne savait pas s’il aurait un jour l’occasion de recoucher avec un homme sans conséquences. Même s’il découvrait qu’un membre mâle de la meute s’intéressait à lui, Wesley ne pourrait jamais se soumettre pendant leurs ébats. Mais la meute était loin de cette chambre d’hôtel et l’humain avec lequel il se trouvait ne penserait pas qu’il était un Alpha faible étant donné qu’il n’avait aucune idée que les Alphas, ou les shifters en général, faisaient partie de ce monde. C’est pourquoi, lorsque les mains fermes du type agrippèrent son derrière et se mirent à lui masser les fesses, Wesley s’encouragea mentalement à se détendre et à apprécier la sensation plutôt que de flipper et prendre le contrôle.

  • Faut que je te déshabille et que je sente ta peau contre moi.

La voix de l’humain était désormais plus rauque, plus sexy. Il pressa sa poitrine contre le dos de Wesley et embrassa sa nuque tout en entourant sa taille pour défaire son bouton et sa fermeture éclair. Tout du long, il continua de balancer le bassin d’avant en arrière contre les fesses de Wesley, lui rappelant ce qu’ils s’apprêtaient à faire.

Une fois sa braguette ouverte et son pantalon et sous-vêtement baissés jusqu’en bas de ses cuisses, Wesley se mit à trembler. Il ne désirait rien d’autre que plus de friction, plus de caresses, plus de tout ce que l’homme au-dessus de lui avait à lui offrir.

  • Oui, dit-il entre ses dents serrées lorsqu’enfin, une main se posa doucement sur la chair nue de son cul.

Il garda les épaules baissées et souleva légèrement le bassin : une position vulnérable et inconnue pour lui mais qui semblait naturelle, sur le moment.

  • Je te veux.

Ces mots étaient loin d’exprimer l’intensité de ses sentiments. Il ne s’était pas rendu compte des proportions qu’avait pris son impression d’exclusion au sein de la meute mais visiblement, il en souffrait plus qu’il ne l’imaginait. C’était la seule explication. Sinon, pourquoi les simples caresses d’un inconnu le brûleraient-elles autant de l’intérieur ?

  • Je te veux aussi. Plus que tu ne peux l’imaginer.

Il écarta le T-shirt de Wesley, exposant son dos entier, et se mit à l’embrasser, à le mordiller et à le lécher jusqu’à atteindre la chair soudain ultra-sensible de ses fesses. Tout en se servant de sa bouche, il continua à bouger ses mains et à caresser les cuisses et les hanches de Wesley, avant de prendre une de ses fesses dans sa paume et de l’écarter doucement. Il promena ses doigts dans le pli de Wesley et s’aventura vers le sillon jusque-là inexploré.

  • Oh ! s’écria Wesley, surpris que la sensation lui plaise autant. Il écarta davantage les jambes, s’offrant autant que possible.
  • J’ai du mal à te laisser comme ça mais faut que j’aille voir s’ils ont quelque chose de glissant dans la salle de bain.

Il appuya contre l’orifice boursouflé de Wesley et esquissa un mouvement circulaire avec son doigt, appliquant une légère pression mais sans le pénétrer. Un son complètement inconnu s’échappa des lèvres de Wesley. Un genre de gémissement… mais il ne gémissait jamais. Cela devait donc être autre chose.

  • Bouge pas, ok ? dit l’homme avant de lécher Wesley de sa fesse jusqu’à la base de sa colonne vertébrale.

Le matelas grinça lorsqu’il sauta par terre. Si Wesley était resté dans cette position assez longtemps pour que le désir s’estompe, il se serait sans aucun doute défilé ou aurait au moins changé les règles du jeu. Mais le matelas s’affaissa à peine quelques secondes plus tard et Wesley fut à nouveau gratifié de la présence réconfortante d’un corps tiède par-dessus lui.

  • J’ai trouvé une petite bouteille de lotion. C’est sûrement pas aussi efficace que du lubrifiant, mais ça fera l’affaire. (Il replaça son doigt, désormais humide et glissant, entre ses fesses.) Ton trou est tout chaud, dit-il en appuyant son doigt contre ce dernier, cette fois-ci jusqu’à le pénétrer légèrement. Ça m’excite, répéta-t-il d’une voix rauque en s’enfonçant davantage.

Wesley poussa un gémissement et détendit ses muscles, s’ouvrant à la sensation étonnamment érotique d’une autre personne à l’intérieur de lui. Lorsque le doigt effleura sa prostate, ses petits gémissements se transformèrent en halètements rauques.

  • Oh, mon dieu.
  • J’espère que ça te plaît parce que je crève d’envie d’enfoncer ma queue dans ce trou serré et brûlant. (Il retira doucement son doigt avant de le glisser à nouveau à l’intérieur tout en le faisant bouger d’un côté à l’autre.) Tellement lisse et doux…

Les sensations enflammèrent le corps de Wesley et dérobèrent les mots de sa bouche.

  • Mhm… c’est bon… fut tout ce qu’il réussit à dire pour lui confirmer qu’il voulait continuer.
  • Tellement bon, répondit l’homme d’un ton émerveillé.

Il déposa un léger baiser dans son dos et retira son doigt. Wesley lança un regard par-dessus son épaule et plissa les yeux dans l’obscurité. L’humain, agenouillé derrière lui, était en train d’étaler de la lotion sur son érection.

  • Voilà qui devrait suffire, murmura-t-il en jetant la bouteille sur le côté.

Il posa une main sur le bas du dos de Wesley afin de le tenir en place et se servit de son autre main pour guider sa queue vers sa cible.

Wesley n’avait jamais eu de rapports anaux avec les femmes qui avaient partagé sa couche. Il ne savait donc pas si l’acte était censé être douloureux mais lorsque le membre chaud s’enfonça en lui, il ne ressentit que soulagement et plaisir. Il appuya son front contre le matelas et ferma les yeux, se concentrant uniquement sur les sensations afin de les savourer entièrement. Les mots quittèrent sa bouche sans sa permission :

  • Plus, marmonna-t-il. Veux que tu me remplisses.

Le grognement qui lui parvint en réponse semblait exprimer à la fois de la douleur et du plaisir.

  • Ahh… c’est dans mes intentions.

L’humain continua de s’enfoncer doucement en lui jusqu’à ce que ses poils pubiens effleurent les fesses de Wesley. Il colla son torse contre son dos et lui caressa le ventre.

  • Je vais te remplir complètement.

La malformation sur son épiderme n’avait jamais été une zone érogène (logique, puisque Wesley faisait son possible pour la cacher) mais lorsque la main tiède et puissante de l’homme l’effleura, Wesley sentit son excitation grimper en flèche.

  • Oh ! s’écria-t-il, pris au dépourvu. (Il lâcha un grognement.) Oui…
  • C’est trop bon d’être en toi, dit l’homme en lui léchant et mordillant la nuque.

Il poursuivit ses va-et-vient tout en glissant sa main d’un bout à l’autre de son ventre.

  • Tellement bon… répéta-t-il.

Bien qu’il ne touchât pas la queue de Wesley directement, le revers de sa main la frôlait en se déplaçant sur ses abdos. Ce simple contact, ajouté à la friction du drap contre sa peau, suffit à le pousser au bord du précipice.

  • Je vais jouir, dit Wesley d’une voix éraillée, la mâchoire serrée et le souffle court.
  • Moi aussi.

Ses dents éraflèrent ses épaules et son cou et il continua de le labourer, l’écartant et l’enflammant de l’intérieur.

  • Si seulement je pouvais continuer éternellement… Veux pas que ça s’arrête.
  • Moi non plus.

Pour la première fois de sa vie, Wesley était libéré de ses inquiétudes habituelles concernant sa meute, son rôle en tant qu’Alpha et les obligations qu’il était destiné à honorer. Une seule pensée assiégeait son esprit : l’extase sur le point de le submerger. Il balança son bassin vers l’arrière, ses fesses percutant celui de l’homme tandis qu’il s’enfonçait en lui, encore et encore.

  • Mon dieu… moi non plus.

Le temps s’arrêta. Wesley ne pensa plus à rien, si ce n’est le corps puissant par-dessus lui et à l’intérieur de lui. Puis, il sombra dans un puits d’extase. Sa semence gicla sur le matelas et il cria son plaisir.

  • Oui ! s’exclama l’homme derrière lui. (Son souffle chaud effleura la joue de Wesley.) Oui.

Wesley tourna la tête sur le côté et leurs bouches se scellèrent pour échanger un baiser sauvage. Lèvres, langues, dents et passion s’entrechoquèrent. Une fois leurs corps épuisés, leurs

bourses vidées et leurs cœurs calmés, le baiser devint plus tendre et les caresses plus douces.

Wesley se retrouva dans les bras d’un autre homme pour la première fois. Au lieu de s’écarter, maintenant que la luxure n’obnubilait plus son esprit, il s’approcha plus près et s’agrippa fort à la personne qui venait de lui donner un sentiment de satisfaction extrême, un sentiment dont il ne soupçonnait même pas l’existence, lorsqu’il avait quitté le territoire de la meute du Ciel Mauve, au bord de la crise de nerfs, quelques heures auparavant.

Enlacé par Wesley, l’humain tomba dans un sommeil profond. Wesley ne desserra pas son étreinte : il se sentait bizarrement protecteur envers l’inconnu. Sans doute une projection de son besoin de protéger les siens. Jusqu’ici, son oncle avait refusé de lui léguer sa place d’Alpha et la meute avait tout fait pour l’éviter. Mais s’il voulait devenir leur leader, il allait devoir faire preuve de patience et leur donner le temps de s’apercevoir qu’une cicatrice superficielle n’altérait en rien sa puissance ou sa capacité à subvenir à leurs besoins et à assurer leur protection.

De nouveau taraudé par ses obligations, Wesley lâcha un soupir et s’éloigna de l’humain. Ni l’un ni l’autre n’était complètement nu ; il y avait donc peu de chance que l’homme prenne froid, mais il tira sur la couverture et le borda du mieux qu’il le put.

— Merci, murmura-t-il en écartant une mèche verte pour embrasser le front de l’homme endormi.

Puis, il quitta silencieusement la chambre et se força à abandonner les souvenirs de cette nuit

parfaite derrière la porte de la pièce afin de se concentrer sur ses responsabilités.

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